La crise sanitaire liée au COVID-19 a fortement impacté les entreprises et leurs manières de fonctionner poussant plusieurs d’entres elles à passer au télétravail et à utiliser des outils de visioconférence et collaboratifs pour s’adapter à la situation.
C’est dans ce contexte que Galsen CM s’est entretenu avec Ernesto Hane, Digital Strategist pour parler de l’impact que le coronavirus peut avoir sur la transformation digitale des entreprises.
Pouvez-vous nous dire en quelques lignes qui est Ernesto Hane ?
Je m’appelle Ernesto Hane, je suis Digital Strategist à l’agence Caractère. Je travaille dans le marketing digital depuis plus d’une dizaine d’année dont 9 ans en agences dans le conseil média, créatif et business. Je suis un vrai passionné de la technologie, de la publicité et des sciences sociales en général. Donc les réseaux sociaux sont un terrain d’étude intéressant pour moi.
En quoi consiste le travail de Digital Strategist ?
Le rôle de Digital Strategist consiste à apporter des solutions technologiques à des problématiques business. Comme tous les autres postes stratégiques, mon travail inclut beaucoup d’analyses, de diagnostic avant de donner des directions stratégiques et des tactiques utilisant très souvent la technologie pour résoudre des problèmes business.
Notre champ d’action peut être très large. Il peut aller de la recommandation purement business, telle que la mise en place d’un plan de digitalisation d’une fonction de l’entreprise, au lancement d’une nouvelle offre ou d’une campagne de Branding tout simplement.
Au fur et à mesure que le Digital devient une fonction plus intégrée dans les entreprises, notre rôle devient de plus en plus intégré aussi. Nous sommes challengés à réfléchir de plus en plus 360° en y apportant notre perspective plus technologique et plus « ROIste ».
Quelle définition donnez-vous à la transformation digitale ?
Je vais vous surprendre en vous disant que je ne crois pas à la transformation digitale ! Je préfère le terme « adaptation digitale ». La transformation induit que nous abandonnons ce que nous sommes pour devenir autre chose. Hors le Digital vient enrichir le matériel narratif et culturel de la marque, il ne transforme pas la marque mais l’enrichit.
Nike dit « Just Do It » aux athlètes du monde entier depuis des décennies. Avec le Digital, Nike les aide concrètement à le faire avec ses applications connectées mais la mission de la marque reste identique, inspirer et aider tous les athlètes du monde.
C’est comme cela que je vois l’adaptation digitale. Il s’agit plus d’utiliser la technologie et la Data pour continuer à respecter la promesse de l’entreprise. La marque s’adapte juste à une nouvelle réalité qui se matérialise par des consommateurs plus connectés, par des technologies plus évoluées et de la data plus abondante.
Et c’est une réalité historique qui a suivi toutes les évolutions média passées. Dans les années 30 Procter et Gamble vendait déjà du savon en utilisant des shows audio avec le média de l’époque la radio (c’est là qu’est venu le terme Soap Opéra). Ensuite dans les années 50 avec l’explosion de la TV sa narration est devenue plus visuelle avec l’arrivée des spots de 30 secondes. Aujourd’hui, ces marques utilisent le Digital pour continuer ce qu’ils ont toujours fait : faire acheter leurs produits à la mère de famille qui fait ses courses en grandes surfaces. Donc les marques s’adaptent au Digital mais ne se transforment pas.
« Je vais vous surprendre en vous disant que je ne crois pas à la transformation digitale. Je préfère le terme « adaptation digitale » […]
Ernesto Hane, Digital Strategist à Caractère
La marque s’adapte juste à une nouvelle réalité qui se matérialise par des consommateurs plus connectés, par des technologies plus évoluées et de la data plus abondante. »
Où en sont les entreprises sénégalaises ?
Les marques sénégalaises ont des rythmes de digitalisation très différents. Certains secteurs sont plus digitalisés que d’autres. Je pense aux telcos, aux banques, le B2B. Par contre le secteur alimentaire, le secteur public, la grande distribution sont très en retard.
On note certains efforts même si le manque de stratégie claire plombe bon nombre de projets dès le départ.
Les consommateurs sont plus digitalisés que les entreprises au Sénégal c’est une réalité. Et les entreprises ont encore beaucoup de travail avant d’arriver à rattraper le niveau de digitalisation des Sénégalais.
Quel impact le COVID-19 peut avoir sur leur « adaptation » digitale ?
« Necessity is mother of Invention ». Cette maxime anglo-saxonne qui dit que la nécessité est la mère de toute invention s’applique bien au contexte actuel. Cette pandémie aura pour seul effet positif dans le monde du business d’accélérer la digitalisation des entreprises.
Du point de vue de la digitalisation des ressources humaines, on voit les employés adopter le télétravail en apprenant rapidement l’utilisation des outils de visioconférence comme Zoom et Google Hangouts. Ils adoptent des outils collaboratifs du Cloud pour faciliter le partage de dossier à distance. En temps normal, on trainait les pieds pour utiliser ces outils.
Des marques agroalimentaires font des partenariats avec des acteurs du E-commerce pour distribuer leurs produits en ligne. Des restaurants livrent leurs menus gastronomiques à domicile etc.
Du coup l’adaptation dont je parlais prend vraiment tout son sens actuellement. Il faut continuer à faire du business dans un contexte de distanciation sociale. Et la technologie permet justement de le faire. Les Business vont juste se rendre compte que la technologie n’était pas aussi complexe qu’ils le pensaient. La nécessité fait que la courbe d’apprentissage est très rapide et cela ne peut qu’être encourageant pour le futur de l’expérience client au Sénégal.
Quels conseils donneriez-vous aux entreprises dans ce contexte de COVID-19 ?
En temps de guerre, il faut nouer des alliances. Il faut rapidement identifier les partenaires qui vous permettent d’aller vite et de maîtriser les potentielles zones de tension d’un changement brusque des opérations.
Ce qu’a fait le groupe Kirène par exemple en s’associant à Jumia pour livrer ses bouteilles d’eau leur permet de se libérer de la logistique lourde du E-commerce tout en digitalisant sa distribution. C’est malin comme démarche.
En s’associant à des partenaires qui maîtrisent certains process business on minimise les risques et on apprend en même temps.
Sur le plan marketing, il faut éviter d’arrêter de communiquer. C’est justement le moment de mettre sa marque en avant. Il faut créer des offres solidaires comme Orange l’a bien fait et renforcer son discours de marque. Les consommateurs s’en rappelleront quand la crise va passer.
En termes d’investissements média, il faut privilégier les média In Home (TV et Digital) au détriment des média Outdoor.
Pour renforcer la nécessité de continuer à communiquer, je vais citer une étude globale récente de Kantar révélant que seuls 8% des consommateurs souhaitent que les marques arrêtent de communiquer en ces temps de crise.
« Sur le plan marketing, il faut éviter d’arrêter de communiquer. C’est justement le moment de mettre sa marque en avant.[…] seuls 8% des consommateurs souhaitent que les marques arrêtent de communiquer en ces temps de crise (Kantar). »
Ernesto Hane, Digital Strategist à Caractère
À quoi doit-on s’attendre en période post COVID-19 ?
Je pense qu’il y’aura une accélération de la digitalisation des entreprises et du public au Sénégal. Ce ne sera certes pas la révolution mais on aura des reflexes qui vont rester et de nouvelles attitudes qui vont prendre forme. Ce qui ne sera pas une mauvaise chose quand on voit la mauvaise qualité de l’expérience client en général.